Bulletin 17

Préface

LA CHAMBRE BLANCHE célébrait en 1987-88 son dixième anniversaire. Elle fut fondée par des artistes ayant la volonté de se donner les moyens de produire et de diffuser une production actuelle dans le contexte de la ville de Québec. De nombreuses circonstances ont amené plusieurs artistes autour de la même table dont l’une d’elle apparaît des plus déterminante, c’est-à-dire l’absence de lieux de diffusion pour des productions artistiques expérimentales et marginales dans la région de Québec à cette époque. Aujourd’hui, dix ans plus tard, il nous semble que nous ne pourrions vivre sans le travail accompli par tous ceux et celles qui sont passés à LA CHAMBRE BLANCHE.

Une décennie pour une galerie parallèle, et un peu plus pour certaines galeries du réseau, c’est l’étape significative d’un travail acharné afin d’imposer une vision vivante dans un système qui était sclérosé par son conservatisme. C’est aussi dix ans de labeur pour les artistes dans le but de se prendre en main et de se doter d’un réseau capable de soutenir leurs pratiques d’un point de vue tant pragmatique qu’idéologique.

Deux évènements ont voulu marquer cet anniversaire. Tout d’abord, une exposition d’œuvres récentes d’artistes s’étant engagé-e-s en tant que membres actif-ve-s à LA CHAMBRE BLANCHE au cours de ses dix années d’existence. Puis, un colloque sur le développement des galeries parallèles à l’occasion duquel furent questionnés les acquis du système parallèle, ses conditions de développement et ses spécificités actuelles. Il s’agissait donc de dessiner les avenues d’une interrogation jusqu’alors à l’état embryonnaire.

La pertinence des communications présentées à l’occasion de ce colloque par les conférencier-ière-s invité-e-s, de même que la justesse des interventions d’un public composé d’artistes et d’intervenant-e-s culturel-le-s, ont pu témoigner du professionalisme (sic) acquis, de la conscience des difficultés auxquelles doivent et devront faire face nos organismes, tout autant que des voies qui s’offrent à nous.

L’expérience et l’expertise dont fait preuve le milieu parallèle, résultent du développement de nos structures. C’est dans ce contexte que des individus sont allée à l’école de l’essaie-erreur et ont su à la fois inventer et remettre continuellement en question leur métier. En effet, tel que l’a souligné Michel Huard lors de sa communication, on assiste à la mise en place d’un milieu organisé, au propos articulé et revendiquant un statut professionnel. Il s’agit d’un des acquis les plus importants du réseau. 

Depuis la tenue de ce colloque que s’est-il passé? Etonnamment, l’on constate que la question d’une mise en perspective de ces acquis a depuis été mise sur le carreau. Les questions importantes du statut de l’artiste et de l’implication des pouvoir municipaux ont canalisé toutes les énergies. Mais qu’a-t-on fait du questionnement amorcé sur le statut de nos centres? Francine Périnet est-elle repartie avec, dans ses bagages, sa promesse d’un comité consultatif?

Chacun est donc rentré chez soi avec le constat d’un pluralisme difficile à manipuler en terme d’établissement de notre reconnaissance. Cet état de fait apparaît de façon explicite dans l’hétérogénéité de nos appellations : galeries parallèles, centres d’artistes, regroupements d’artistes, regroupements autogérés, etc. Cette diversité de nos mandats, qui est apparue de façon très nette lors de ce colloque, n’est certes par (sic) négligeable. Bien qu’elle semble constituer notre faiblesse pour les organismes qui nous « soutiennent » financièrement, elle s’avère en fait notre force, ce qu’a d’ailleurs souligné Richard Baillargeon lors de son intervention. La prolifération des centres d’artistes au cours des dernières années témoigne de la nécessité d’organismes divers répondant à des besoins pluriels. En effet, au moment où RACA (Regroupement des Artistes des Centres d’Artistes) semble avoir  échoué dans ses objectifs de représentativité de la « grande collectivité canadienne », il est peut-être possible de regarder davantage du côté d’une régionalisation, non seulement du processus d’évaluation de la pertinence de nos mandats mais également du processus de concertation.

Nous nous formons à même ce travail de va-et-vient entre l’opposition de nos vues, l’affirmation de notre autonomie, et ce que le pouvoir en place postule comme arguments sous-tendant la distribution des vivres. Car la réflexion ne s’articule-t-elle pas dans cet axe liant le Conseil des Arts du Canada au réseau parallèle? Jusqu’à ce jour, le Conseil semblait en attente, à l’affût de notre discours, attendant que nous définissions « le propos de société » que nous désirions entretenir. Ce propos de société, basé essentiellement sur une définition d’un public-cible devrait être, au dire de Francine Périnet, garant de la visibilité de notre développement. Le pouvoir en place désire donc nous identifier, nous nommer et trouver pour nous une logique de la subvention. En effet, l’argument financier prend de plus en plus de place au détriment du questionnement idéologique et esthétique des années 1970. La question d’une meilleure accessibilité au marché de l’art a fait place à l’omniprésente question de l’autofinancement.

Monsieur Fortier rappelait quant à lui que l’argument sous-tendant l’octroi des subventions ait, par le passé, résidé sur des valeurs extrinsèques à l’art : l’idéologie nationaliste, puis la valeur économique. Ce dernier  argument est encore aujourd’hui servi aux galeries parallèles comme incitatif à jouer la carte de la rentabilité. De cette vision résulte entre autres la profusion récente des activités d’autofinancement. Ne devrions-nous pas canaliser nos énergies ailleurs que dans des bingos d’art ou dans des encans à l’occasion desquels les artistes donnent plus qu’ils ne reçoivent, si bien que ce sont eux qui en font les frais plutôt que d’en bénéficier? Quant aux centres, dans bien des cas, ils investissent plus qu’ils ne récoltent. En quoi, ces activités visant une rentabilité, correspondent-elles aux mandats que nous nous sommes donnés? En fait, l’intervention de Gilles Artaud fut des plus éclairantes à l’égard de l’impertinence de cet argument économique : la dépense culturelle est marquée par l’excès, le débordement. C’est une véritable économie de la dépense et les principes de la rentabilité et de la restriction budgétaire apparaissent illogiques dans ce contexte.

Un autre argument, celui de la valorisation de l’artiste-éducateur, auquel fait référence Francine Périnet, refait surface aujourd’hui par la mise sur pied de programmes d’intervention en milieu scolaire. Il faudrait peut-être identifier les valeurs et les enjeux que sous-tendent de tels programmes. Nos revendications ne devraient-elles pas se situer en marge d’une telle « idéologie utilitaire » visant une légitimation du statut social de l’artiste? L’Etat, par la mise sur pied de tels programmes, ne résout pas le manque de marge de manœuvre des centres en égard à leur budget de fonctionnement. Le pouvoir nous offre des revenus supplémentaires, mais en déterminant l’utilisation. Depuis longtemps, nous revendiquons une marge de manœuvre qui prendrait la forme d’un plan triennal de subvention. Récemment, le Conseil des Arts annonçait la mise en place d’un tel plan. On pourrait croire à une reconnaissance de l’expertise des administrateur-trice-s de nos centres à administrer à moyen et long terme. Or, il s’agit davantage, par un retour quelque peu pervers, d’un gel camouflé sur trois années qui s’accompagne en outre de la suspension supplémentaire de trois programmes.

Quand au ministère des Affaires culturelles et au pouvoir municipal, comment situer leur action en regard de nos revendications? Ce sont deux pouvoirs chancelants, le premier par une politique imprécise fondée davantage sur la visibilité des centres plutôt que sur la production artistique; le second par l’absence de discours, de politique culturelle et de tradition. Conscient du retard encouru, mais ne possédant pas l’expertise qui pourrait lui indiquer le premier pas à faire, le pouvoir municipal a été enjoint d’augmenter le pourcentage des subsides engagés dans les postes budgétaires culturels. Cette recommandation du rapport Bovey devra demeurer à notre mémoire lors de l’évaluation de la politique culturelle de la ville de Québec. Monsieur Fortier, responsable du groupe de travail à l’origine du dit rapport, nous a bien indiqué la place que nous occupons dans le champ de la culture canadienne. Cela se constate, selon lui, par le pourcentage dérisoire qui nous est dévolu à même l’enveloppe budgétaire consacrée à la culture. Il affirmait que nous n’étions pas l’Union des artistes pour revendiquer un statut particulier et il soulignait que, heureusement, nous avions un « allié » : le Conseil des Arts du Canada! Si nous poursuivons cet argument, nous devrions nous constituer un corps et paradoxalement c’est le Conseil des Arts qui devrait nous « permettre » de le faire.

De toute évidence, cette opinion ne résiste pas à la critique. Nous sommes déjà une force, une entité, nous le savons. Nous avons un corps. Marqué par un pluralisme et des alliances multiformes, le réseau parallèle s’est peu à peu formé, engendrant à sa suite un pouvoir. Chacun a d’ailleurs eu l’occasion de constater, au cours de ce colloque, que le monstre de l’institutionnalisation a bel et bien été apprivoisé et scruté sur (sic?) toutes ses facettes, pour finalement être revendiqué comme signe de cette force tant par son ancrage et sa présence comme infrastructure solide et féconde que par son implantation significative dans le champ social. Que l’on soit du côté d’une marginalisation explicite et radicale ou du côté d’une tentative de renouvellement d’un système à même ses règles, devenir une institution, c’est maintenant la marque d’une énergie vive et prégnante plutôt que celle d’un vieillissement et d’une saturation de nos structures.

Devenu-e-s expert-e-s dans le brouillage des frontières entre disciplines, après avoir remis en question le système de diffusion de l’art et l’avoir teinté de nos couleurs, il s’agit peut-être dès lors, non plus de chercher avec nostalgie où se situerait aujourd’hui l’art engagé d’hier, mais bien plus quelles autres avenues de ce système, devenu mouvant de par notre action, demeurent inexplorées. Ce désir de modifier le système de diffusion de l’art et de l’utiliser devrait demeurer la visée fondamentale de l’action du réseau des galeries parallèles. Au moment où plusieurs formes d’art promues par nos centres se retrouvent généralement acceptées dans l’ensemble du réseau de diffusion de l’art, c’est dans les formes mêmes de diffusion et d’encouragement à la production de l’art actuel que notre intervention doit porter. Et Francine Périnet au su, quelques temps avant son départ, cerner le lieu à explorer : le champ de la production. Devons-nous nous attendre à une modification des politiques du Conseil des Arts en ce sens? Et de quelle façon ces deux volets de la diffusion et de la production entreront-ils en interaction?

Sans même attendre de nouvelles politiques gouvernementales relatives à ces deux volets, soit la diffusion et la production, plusieurs actions ont déjà été entreprises. Pensons à la tenue des Ateliers ouverts, au projet Histoire de bois, tenu à l’été 88 à St-Jean-Port-Joli, à la réalisation de résidences d’artistes, dont résulteront (contrairement à certains encans) des œuvres en continuité avec la production des artistes concerné-e-s, mais qui n’auraient sans doute pas vu le jour sans ce contexte déclencheur.

Plus que de définir un public cible, comme le pointait Francine Périnet, il s’agit de donc de définir notre objet. De même que le réseau de diffusion fut marqué par la réévaluation du statut d’objet de l’œuvre d’art, de même une définition du système actuel devra passer pas une définition du statut et des enjeux des œuvres que nous diffusons (rappelons à cet égard la courte intervention de Louise Viger lors du deuxième panel).

Revendiquons donc un statut, mais surtout un droit à la mouvance et au risque. Revendiquons un droit à l’existence d’un réseau stimulant la création artistique. Voilà, tout simplement, notre discours de société et l’argument qui devrait régir toute stratégie de subvention.

La Rédaction

Conférencier·ière·s : Gilles Artaud, Richard Baillargeon, René Bertrand, Gilbert Boyer, Marie Fraser, André Fortier, Michel Huard, Francine Périnet, Cyril Reade, Jean-Claude St-Hilaire et Louise Viger.

Préface

LA CHAMBRE BLANCHE célébrait en 1987-88 son dixième anniversaire. Elle fut fondée par des artistes ayant la
volonté de se donner les moyens de produire et de diffuser une production actuelle dans le contexte de la ville de Québec. De nombreuses circonstances ont amené plusieurs artistes autour de la même table dont l’une d’elle apparaît des plus déterminante, c’est-à-dire l’absence de lieux de diffusion pour des productions artistiques expérimentales et marginales dans la région de Québec à cette époque. Aujourd’hui, dix ans plus tard, il nous semble que nous ne pourrions vivre sans le travail accompli par tous ceux et celles qui sont passés à LA CHAMBRE BLANCHE.

Une décennie pour une galerie parallèle, et un peu plus pour certaines galeries du réseau, c’est l’étape significative d’un travail acharné afin d’imposer une vision vivante dans un système qui était sclérosé par son conservatisme. C’est aussi dix ans de labeur pour les artistes dans le but de se prendre en main et de se doter d’un réseau capable de soutenir leurs pratiques d’un point de vue tant pragmatique qu’idéologique.

Deux évènements ont voulu marquer cet anniversaire. Tout d’abord, une exposition d’œuvres récentes d’artistes s’étant engagé-e-s en tant que membres actif-ve-s à LA CHAMBRE BLANCHE au cours de ses dix années d’existence. Puis, un colloque sur le développement des galeries parallèles à l’occasion duquel furent questionnés les acquis du système parallèle, ses conditions de développement et ses spécificités actuelles. Il s’agissait donc de dessiner les avenues d’une interrogation jusqu’alors à l’état embryonnaire.

La pertinence des communications présentées à l’occasion de ce colloque par les conférencier-ière-s invité-e-s, 
de même que la justesse des interventions d’un public composé d’artistes et d’intervenant-e-s culturel-le-s, ont 
pu témoigner du professionalisme (sic) acquis, de la conscience des difficultés auxquelles doivent et devront faire face nos organismes, tout autant que des voies qui s’offrent à nous.

L’expérience et l’expertise dont fait preuve le milieu parallèle, résultent du développement de nos 
structures. C’est dans ce contexte que des individus sont allée à l’école de l’essaie-erreur et ont su à la fois
inventer et remettre continuellement en question leur métier. En effet, tel que l’a souligné Michel Huard lors de
sa communication, on assiste à la mise en place d’un milieu organisé, au propos articulé et revendiquant un 
statut professionnel. Il s’agit d’un des acquis les plus importants du réseau. 

Depuis la tenue de ce colloque que s’est-il passé? Etonnamment, l’on constate que la question d’une mise en perspective de ces acquis a depuis été mise sur le carreau. Les questions importantes du statut de l’artiste et de l’implication des pouvoir municipaux ont canalisé toutes les énergies. Mais qu’a-t-on fait du questionnement amorcé sur le statut de nos centres? Francine Périnet est-elle repartie avec, dans ses bagages, sa promesse d’un comité consultatif?

Chacun est donc rentré chez soi avec le constat d’un pluralisme difficile à manipuler en terme d’établissement de notre reconnaissance. Cet état de fait apparaît de façon explicite dans l’hétérogénéité de nos appellations : galeries parallèles, centres d’artistes, regroupements d’artistes, regroupements autogérés, etc. Cette diversité de nos mandats, qui est apparue de façon très nette lors de ce colloque, n’est certes par (sic) négligeable. Bien qu’elle 
semble constituer notre faiblesse pour les organismes qui nous « soutiennent » financièrement, elle s’avère en fait
notre force, ce qu’a d’ailleurs souligné Richard Baillargeon lors de son intervention. La prolifération des centres
d’artistes au cours des dernières années témoigne de la nécessité d’organismes divers répondant à des besoins pluriels. En effet, au moment où RACA (Regroupement des Artistes des Centres d’Artistes) semble avoir 
échoué dans ses objectifs de représentativité de la « grande collectivité canadienne », il est peut-être possible de
regarder davantage du côté d’une régionalisation, non seulement du processus d’évaluation de la pertinence de nos mandats mais également du processus de concertation.

Nous nous formons à même ce travail de va-et-vient entre l’opposition de nos vues, l’affirmation de notre
autonomie, et ce que le pouvoir en place postule comme arguments sous-tendant la distribution des vivres. Car
la réflexion ne s’articule-t-elle pas dans cet axe liant le Conseil des Arts du Canada au réseau parallèle? Jusqu’à
ce jour, le Conseil semblait en attente, à l’affût de notre discours, attendant que nous définissions « le propos de
société » que nous désirions entretenir. Ce propos de société, basé essentiellement sur une définition d’un 
public-cible devrait être, au dire de Francine Périnet, garant de la visibilité de notre développement. Le pouvoir
en place désire donc nous identifier, nous nommer et trouver pour nous une logique de la subvention. En effet,
l’argument financier prend de plus en plus de place au détriment du questionnement idéologique et esthétique
des années 1970. La question d’une meilleure accessibilité au marché de l’art a fait place à l’omniprésente question de l’autofinancement.

Monsieur Fortier rappelait quant à lui que l’argument sous-tendant l’octroi des subventions ait, par le passé,
résidé sur des valeurs extrinsèques à l’art : l’idéologie nationaliste, puis la valeur économique. Ce dernier 
argument est encore aujourd’hui servi aux galeries parallèles comme incitatif à jouer la carte de la rentabilité. 
De cette vision résulte entre autres la profusion récente des activités d’autofinancement. Ne devrions-nous pas 
canaliser nos énergies ailleurs que dans des bingos d’art ou dans des encans à l’occasion desquels les artistes donnent plus qu’ils ne reçoivent, si bien que ce sont eux qui en font les frais plutôt que d’en bénéficier? Quant aux
centres, dans bien des cas, ils investissent plus qu’ils ne récoltent. En quoi, ces activités visant une rentabilité,
correspondent-elles aux mandats que nous nous sommes donnés? En fait, l’intervention de Gilles Artaud fut
des plus éclairantes à l’égard de l’impertinence de cet argument économique : la dépense culturelle est
marquée par l’excès, le débordement. C’est une véritable économie de la dépense et les principes de la 
rentabilité et de la restriction budgétaire apparaissent illogiques dans ce contexte.

Un autre argument, celui de la valorisation de l’artiste-éducateur, auquel fait référence Francine Périnet,
refait surface aujourd’hui par la mise sur pied de programmes d’intervention en milieu scolaire. Il faudrait
peut-être identifier les valeurs et les enjeux que sous-tendent de tels programmes. Nos revendications ne
devraient-elles pas se situer en marge d’une telle « idéologie utilitaire » visant une légitimation du statut social
de l’artiste? L’Etat, par la mise sur pied de tels programmes, ne résout pas le manque de marge de manœuvre
des centres en égard à leur budget de fonctionnement. Le pouvoir nous offre des revenus supplémentaires,
mais en déterminant l’utilisation. Depuis longtemps, nous revendiquons une marge de manœuvre qui
prendrait la forme d’un plan triennal de subvention. Récemment, le Conseil des Arts annonçait la mise en place
d’un tel plan. On pourrait croire à une reconnaissance de l’expertise des administrateur-trice-s de nos centres à 
administrer à moyen et long terme. Or, il s’agit davantage, par un retour quelque peu pervers, d’un gel 
camouflé sur trois années qui s’accompagne en outre de la suspension supplémentaire de trois programmes.

Quand au ministère des Affaires culturelles et au pouvoir municipal, comment situer leur action en regard de
nos revendications? Ce sont deux pouvoirs chancelants, le premier par une politique imprécise fondée
davantage sur la visibilité des centres plutôt que sur la production artistique; le second par l’absence de 
discours, de politique culturelle et de tradition. Conscient du retard encouru, mais ne possédant pas l’expertise 
qui pourrait lui indiquer le premier pas à faire, le pouvoir municipal a été enjoint d’augmenter le pourcentage 
des subsides engagés dans les postes budgétaires culturels. Cette recommandation du rapport Bovey devra
demeurer à notre mémoire lors de l’évaluation de la politique culturelle de la ville de Québec. Monsieur Fortier, responsable du groupe de travail à l’origine du dit rapport, nous a bien indiqué la place que nous occupons
dans le champ de la culture canadienne. Cela se constate, selon lui, par le pourcentage dérisoire qui nous est 
dévolu à même l’enveloppe budgétaire consacrée à la culture. Il affirmait que nous n’étions pas l’Union des 
artistes pour revendiquer un statut particulier et il soulignait que, heureusement, nous avions un « allié » : le
Conseil des Arts du Canada! Si nous poursuivons cet argument, nous devrions nous constituer un corps et
paradoxalement c’est le Conseil des Arts qui devrait nous « permettre » de le faire.

De toute évidence, cette opinion ne résiste pas à la critique. Nous sommes déjà une force, une entité, nous le 
savons. Nous avons un corps. Marqué par un pluralisme et des alliances multiformes, le réseau parallèle s’est
peu à peu formé, engendrant à sa suite un pouvoir. Chacun a d’ailleurs eu l’occasion de constater, au cours de
ce colloque, que le monstre de l’institutionnalisation a bel et bien été apprivoisé et scruté sur (sic?) toutes ses facettes, 
pour finalement être revendiqué comme signe de cette force tant par son ancrage et sa présence comme infrastructure solide et féconde que par son implantation significative dans le champ social. Que l’on soit du 
côté d’une marginalisation explicite et radicale ou du côté d’une tentative de renouvellement d’un système à
même ses règles, devenir une institution, c’est maintenant la marque d’une énergie vive et prégnante plutôt que celle d’un vieillissement et d’une saturation de nos structures.

Devenu-e-s expert-e-s dans le brouillage des frontières entre disciplines, après avoir remis en question le 
système de diffusion de l’art et l’avoir teinté de nos couleurs, il s’agit peut-être dès lors, non plus de chercher
avec nostalgie où se situerait aujourd’hui l’art engagé d’hier, mais bien plus quelles autres avenues de ce
système, devenu mouvant de par notre action, demeurent inexplorées. Ce désir de modifier le système de
diffusion de l’art et de l’utiliser devrait demeurer la visée fondamentale de l’action du réseau des galeries
parallèles. Au moment où plusieurs formes d’art promues par nos centres se retrouvent généralement acceptées
dans l’ensemble du réseau de diffusion de l’art, c’est dans les formes mêmes de diffusion et d’encouragement à
la production de l’art actuel que notre intervention doit porter. Et Francine Périnet au su, quelques temps 
avant son départ, cerner le lieu à explorer : le champ de la production. Devons-nous nous attendre à une
modification des politiques du Conseil des Arts en ce sens? Et de quelle façon ces deux volets de la diffusion et de la production entreront-ils en interaction?

Sans même attendre de nouvelles politiques gouvernementales relatives à ces deux volets, soit la diffusion et la production, plusieurs actions ont déjà été entreprises. Pensons à la tenue des Ateliers ouverts, au projet Histoire de bois, tenu à l’été 88 à St-Jean-Port-Joli, à la réalisation de résidences d’artistes, dont résulteront (contrairement à certains encans) des œuvres en continuité avec la production des artistes concerné-e-s, mais qui n’auraient sans doute pas vu le jour sans ce contexte déclencheur.

Plus que de définir un public cible, comme le pointait Francine Périnet, il s’agit de donc de définir notre objet. De même que le réseau de diffusion fut marqué par la réévaluation du statut d’objet de l’œuvre d’art, de même une définition du système actuel devra passer pas une définition du statut et des enjeux des œuvres que nous diffusons (rappelons à cet égard la courte intervention de Louise Viger lors du deuxième panel).

Revendiquons donc un statut, mais surtout un droit à la mouvance et au risque. Revendiquons un droit à l’existence d’un réseau stimulant la création artistique. Voilà, tout simplement, notre discours de société et l’argument qui devrait régir toute stratégie de subvention.

La Rédaction. 



Conférenciers :

Gilles Artaud, Richard Baillargeon, René Bertrand, Gilbert Boyer, Marie Fraser, André Fortier, Michel Huard, Francine Périnet, Cyril Reade, Jean-Claude St-Hilaire, Louise Viger
Bulletin 17





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